Bonheur et privilège

Quels bonheur et privilège de mettre mes pas dans ceux de mes Frères Horta, Meunier, Lambeaux, Delville, Vinçotte… et de partager leur immense talent dans mon essai « À la découverte de la Belgique Maçonnique » – tome 1 – aux Éditions Jourdan (Été 2022).

Quelle société ? Bordel !

Quelle société ? Bordel ! Et j’en fais partie intégrante.

À lire des messages sur les réseaux sociaux et des courriers de lecteurs dans des journaux et magazines, à suivre des débats et des émissions de talk-show, à écouter des causeries ou participer à des discussions familiales, entre voisins ou collègues, c’est devenu la foire d’empoigne.

Depuis deux ans et l’apparition du COVID-19, confinement après reconfinement, dose de vaccin après booster, vague après tsunami, les provax et les antivax s’étripent littéralement à coups d’arguments et de contre-arguments qui défilent à une allure virale (c’est le cas de le dire), à coups de coups de gueule et d’accusations réciproques qui s’assènent sans répit, à coups de jugements péremptoires et de contre-jugements dogmatiques, c’est devenu une société inaudible où plus grand monde ne semble s’écouter : « J’ai raison, tu as tort » devient un mantra et un cri de haine ou de guerre.

De déchirement en colère, de tension extrême en émotion incontrôlée, de peur en insulte, de stigmatisation en rupture, la société érige des barrières, des frontières et des murs de rancœur et de rancune.

Et tout cela sous les yeux des jeunes. Oui ! De nos enfants et de nos petits-enfants.

C’est-à-dire ceux qui, demain ou après-demain, vont devoir reconstruire des liens, des liens tellement durs à tisser et que leurs aînés ont cochonnés, abîmés, salis, cassés.

Ces aînés, dont je fais partie, qui leur assénaient quelques principes moraux pour le « bien-vivre-ensemble » et qui leur psalmodiaient des citations philosophiques ou religieuses sur l’amitié, la solidarité et la tolérance.

Bref, on est en plein dans le « Faites ce que je dis et pas ce que je fais. »

En 1979, le film « Et la tendresse ? Bordel ! » avec, entre autres, Bernard Giraudeau, cartonna avec des millions et des millions d’entrées au cinéma.

En cette fin 2021, on pourrait tourner « Et la fraternité ? Bordel ! », voire Et l’écoute de l’autre ? Et l’harmonie ? Et l’empathie ? Et nos relations dites civilisées ? Et notre parentalité ? Et notre altruisme ? Et notre sagesse ?

Sagesse ? Ah oui, répliquent les jeunes, n’est-ce pas Léonard de Vinci qui dit que « La sagesse est fille de l’expérience » ou Cicéron qui clama « La sagesse est l’art de vivre », voire l’écrivain visionnaire Maxime Gorki qui prédit que « La sagesse de la vie est toujours plus profonde et plus large que la sagesse des êtres humains. » ?

En d’autres termes, les jeunes nous disent que trop c’est trop, que nous ferions mieux d’utiliser notre énergie à retrouver le discernement et à retourner à l’essentiel : « On a tous besoin d’entente, de fraternité, d’harmonie, de paix et de sérénité. »

Les antivax et covidiots, des ultracrépidarianistes ?

Les antivax et covidiots, des ultracrépidarianistes ?

Les antivax, autrement appelés par différents médias et sur certains réseaux sociaux, des covidiots, des antisciences, des complotistes, voire des obscurantistes…, sont-ils des ultracrépidarianistes ?

Il fallait bien que je le place un jour ce terme ultra-compliqué à prononcer et dont la signification échappe à beaucoup de gens, mais que le journal Le Soir a proposé comme « le » nouveau mot de l’année 2021.

L’ultracrépidarianisme est ce comportement consistant à donner son avis sur des sujets à propos desquels on n’a pas de compétence crédible ou démontrée.

Cependant, il faut reconnaître une chose aux antivax, c’est qu’ils détiennent au moins une vérité : celle de ne pas douter d’eux, quitte à jouer les fossoyeurs de leur propre existence et de celle de leurs proches.

L’empathie leur est devenue étrangère au nom d’une pseudo liberté et le terme de « dictature sanitaire » et les montages photographiques avec l’étoile jaune chère à Hitler et Pétain ne leur paraissent même pas indécents, au contraire du monde scientifique qui clame généralement ses limites et a prévenu, depuis le départ, qu’il ne détenait pas la panacée pour éradiquer la pandémie due au Covid.

De plus, c’est sans compter avec l’important noyautage par les idéologies nauséabondes d’extrême droite de ces mouvements citoyens. Ces derniers sont quand même minoritaires dans la société, mais ils semblent le reflet de gens, parfois sincères dans leur peur viscérale d’être atteints dans leur intégrité physique par les vaccins, or, les manipulations de démonstrations, même par des médecins, certains relevant souvent dans le fachosphère, ne sont plus à démontrer.

Quant à la notion de « dictature », le simple fait de pouvoir exprimer publiquement cette conviction démontre qu’il n’y a pas dictature. Je pense que les Birmans et les Coréens du Nord, pourraient davantage en parler… s’ils en avaient la possibilité.

Mon confrère Frédéric Loore, journaliste à Paris Match et à La Libre Belgique, a publié l’intéressante réflexion suivante :

« Bien sûr, les participants – aux manifestations antivax – ne partagent pas tous les mêmes revendications. Bien sûr, tous ne cautionnent pas cette hystérisation du débat autour des mesures sanitaires. Bien sûr, on peut critiquer bien des aspects de la gestion de la pandémie. Bien sûr, il y a toujours lieu de se mobiliser contre les atteintes aux libertés individuelles et publiques. Bien sûr, il ne faut pas être naïf et ignorer la volonté de la Big Tech de tirer profit de la crise pour accélérer la collecte massive de données personnelles. Mais des images, les slogans éructés et les tombereaux d’inepties déversés ad nauseam sur les réseaux sociaux – slogans et photos comparant les mesures sanitaires aux camps nazis et à l’étoile jaune – témoignent d’une chose : l’ignorance et la peur sont bien les deux fléaux de l’humanité. Lorsqu’elles se conjuguent de surcroît à la désinformation et à la bêtise, alors, si l’on n’y prend garde, la démocratie court le risque de se transformer en tyrannie des sots. »

Pour paraphraser Tania de Montaigne, chroniqueuse à Libération, je veux encore dire que chez les antivax, l’essentiel n’est pas que ce qu’ils disent est vrai, leur seul critère est leur volonté de modifier le bon sens en non-sens, que, ce qui, avant, était aberrant et incompréhensible, puisse se transformer en évidence.

Leur postulat de départ, explique ma consœur, est donc comme une partie de poker : l’essentiel est de surenchérir pour occulter, travestir ou mentir la réalité des chiffres dramatiques concernant la situation sanitaire mondiale, tout cela pour leur confort personnel et non le vivre-ensemble.

Partout dans la société principalement occidentale, au contraire des pays pauvres qui réclament à cor et à cris des moyens pour se faire vacciner, la tension monte. Un clivage s’opère entre vaccinés et non-vaccinés, parfois au sein même de familles et de groupes très soudés.

Comme l’écrit le New York Post « Si la covidiotie se répand, c’est que la stupidité est contagieuse. Et elle n’a pas d’âge » ; quant au Journal de Montréal, il écrit : « Les covidiots sont des individus qui se signalent par leur égoïsme, leur manque de jugement, ou carrément leur stupidité ».

J’aime à répéter cette déclaration de Romain Roland, Prix Nobel de Littérature et pacifiste : « Une discussion est impossible avec quelqu’un qui prétend ne pas chercher la vérité, mais déjà la posséder. »

Alors, et si les covidiots, antivax, antisciences, complotistes, obscurantistes…, mettaient autant d’énergie à prôner un plan d’urgence pour le système hospitalier qui, ne l’oublions, est principalement saturé au détriment d’autres malades par 80% à 90% de personnes non vaccinées ?

Et, puisque les antivax crient au scandale face à la vaccination des jeunes, cette même énergie ne pourrait-elle être aussi de mise dans la lutte contre l’utilisation des enfants dans des guerres, dans des mines, dans des chaînes de montage d’usines insalubres ?

Or, comme je le constate depuis de nombreuses années, les rangs citoyens sont bien clairsemés pour soutenir lorsque défilent les membres des services médicaux et les militants pour les Droit des Enfants.

Pour conclure, tout cela prêterait à changer de sujet et à tourner la page, s’il ne s’agissait pas d’un inquiétant retour à une société où une minorité de gens veut fondamentalement changer ce que des générations d’êtres ont lutté pour mettre en place, c’est-à-dire une société fraternelle.

Reportage photographique : Francis Duwyn.