Avec Dieu on ne discute pas !

Ma chronique radio de ce samedi 27 février 2021 sur Fréquence Terre-RFI :

Dans la préface de l’essai Avec Dieu on ne discute pas ! de Pierre Conesa paru aux Éditions Robert Laffont, il est expliqué que l’auteur ne se laisse pas encombrer par l’érudition ce qui lui permet de gagner en capacité de généralisation, d’oser des comparaisons hardies, de faire valoir son point de vue citoyen en quête de réponses claires et accessibles aux autres citoyens.

« Piocher dans différents récits, effectuer un journalisme d’investigation, trier des événements et des idées, rendre intelligibles pour le commun des mortels, un sujet particulièrement compliqué et sensible. »

Cette précision apparaît importante et l’auteur tente de comprendre les ressemblances dans les radicalismes religieux, plus significatifs, selon lui, que leurs différences.

À ce sujet, il ne faut pas méconnaître le fait que les dissensions se multiplient à mesure que la société se développe en un marché de plus en plus globalisé.

Fanatismes, intolérances religieuses, fondamentalismes augmentent au fur et à mesure que s’installe un système géopolitique, la mondialisation, balayant les concepts de solidarité et de convivialité.

« Un esprit anti-Lumières, une vision antilaïque, une conception du genre qui nie l’égalité entre l’homme et la femme… », sont autant de raisons pour les forces démocratiques de lutter aussi contre l’injuste concentration de richesses au sein d’une oligarchie de plus en plus méprisante.

Dans son imposant ouvrage de 370 pages, Pierre Conesa précise encore : « Le radicalisme ajoute au processus du fondamentalisme la législation religieuse de la violence qui exclut l’Autre, aussi bien par des mesures réglementaires que par la violence physique individuelle ou collective (…)

Les règles religieuses des radicaux nient nombre des grands acquis de la philosophie des Lumières comme l’universalisme, l’égalité entre les êtres et les sexes, la liberté de conscience, la liberté d’expression et de conversion, l’esprit critique et le doute…

Le radicalisme religieux s’appuie sur le triptyque : une foi, un peuple et une terre. La loi divine prévaut sur la loi humaine. La violence labellisée ‘‘religieuse’’ par les gourous du radicalisme est sainte, voire sanctifiante », fin de citation.

L’auteur avance aussi des chiffres, qu’il commente en signalant qu’aux États-Unis, les téléprédicateurs évangéliques font fortune dans le « Christ business » avec des revenus annuels de centaines de milliers de dollars, des villas somptueuses, des jets privés, des autos de luxe, alors que « le télécoranisme est aussi un énorme business, qu’il en serait de même avec les rabbins, l’un d’eux a une fortune évaluée à 355 millions de dollars, mais dans une moindre mesure chez les bouddhistes, bien qu’un bonze d’un temple à Bangkok a quand même été pointé avec quatre millions de dollars sur ses comptes bancaires et que l’organisation bouddhiste BBS compterait plusieurs businessmen richissimes.

Comment en est-on arrivé à pareille situation, en plus de la mondialisation de la société déjà évoquée ?

Parce que, selon l’auteur, « les penseurs des radicalismes sont des pratiquants assidus de l’historicisme qui ne retiennent que certains faits et excluent les autres. L’assemblage hétéroclite d’événements passés, parfois très anciens, vient conforter la théorie du complot caché, destiné à faire disparaître le groupe. Les théoriciens de la radicalisation ont reconstruit des systèmes mytho-historiques complets préparant à légitimer la violence vengeresse », telle est la conclusion du premier tiers de cet ouvrage.

Lettre ouverte à l’intelligentsia belge

(D’après Jean de La Fontaine et Victor Hugo)

Ces dernières semaines et à des degrés divers, N.G.[1] et moi-même sommes victimes du même modus operandi de dénigrement, de manipulation du public, d’insultes, de menaces… de la part de milieux sectaires et intégristes pour notre inlassable activisme en faveur d’une société plus juste et fraternelle, pour nos convictions philosophiques humanistes, pour nos écrits engagés prônant principalement des valeurs démocratiques, pour nos luttes (pacifiques) au nom de la laïcité, dont la liberté d’expression fait intégralement partie.

N.G. bénéficie d’une très justifiée médiatisation massive de sa situation dans la « grande presse » belge (articles, reportages, débats, références à ses livres et chroniques…) et sur les réseaux sociaux, mais également d’un inestimable soutien du monde laïque, d’obédiences maçonniques et, par corollaire, de milliers de gens. J’y adhère sans équivoque.

En revanche, alors que ladite « grande presse », les mondes laïques et maçonniques sont au courant de la publication de mon essai Le temps des comploteurs paru aux Éditions Jourdan[2], l’un des principaux éditeurs belges, livre qui dénonce – par un travail de « terrain » – les techniques et actions complotistes, qu’une vidéo antimaçonnique me cible avec photo à l’appui (près d’un million de vues, 6.300 likes, mais, aussi, un nombre impressionnant de commentaires, d’insultes, de menaces, dont celles appelant à l’élimination pure et simple de gens de mon espèce), que Facebook a censuré un extrait dudit essai et que, suite à ma vigoureuse démarche, me « réhabilita » avec excuses quelques heures plus tard (ce qui est rare et la preuve que derrière Facebook il n’y a pas que des algorithmes) : pas un écho, aucune réaction du monde laïque et maçonnique, livre snobé (exception de quatre lignes dans un magazine).

Deux poids et deux mesures, selon moi. L’occasion de paraphraser Jean de La Fontaine : « Selon que tu sois intellectuel.le, universitaire,  membre de l’intelligentsia ou ancien ouvrier et autodidacte,  tu seras digne de solidarité et de fraternité ou d’omerta. »

« N’être pas écouté, ce n’est pas une raison pour se taire. » Victor Hugo

Pierre GUELFF

Chroniqueur radio et presse écrite – Auteur

Rue François Gay, 62 – B-1150 Bruxelles – 00 32(0)477/460065

Site officiel : http://www.pierreguelff.info

Blog : https://litteraturesansfrontieres.wordpress.com

Facebook : http://www.facebook.com/pierre.guelff

• Fréquence Terre – RFI • Morale Laïque Magazine •

• POUR • Éditions Jourdan •


[1] Au courant de ce qui est publié dans cette Lettre.

[2] J’y suis auteur, depuis 2005, d’une trentaine de livres, certains étant considérés comme des succès de librairie.

Experts et témoins piégés, citoyens manipulés (Partenariat POUR)

Trois vidéos grand public déferlent sur les réseaux sociaux et y font le buzz. Trois vidéos qui manipulent et ont la même technique d’harponnage des spectateurs lambdas qui, sans recul ni esprit critique, les gobent comme paroles d’Évangiles et les répandent tous azimuts.

Il s’agit de « Hold-up » qui développe la théorie complotiste d’un virus de fabrication humaine destiné à éliminer une grande partie de l’humanité et, de la sorte, consolider la mainmise d’une élite toute puissante sur la Société. À vrai dire, il s’agit d’un assemblage de propos et de fake news déjà parus,

le condensé de prétendues « preuves » qui ne sont qu’un amalgame de déclarations et de situations tirées de leurs contextes : tout est à charge, des raccourcis ou propos coupés (certains intervenants demandent à en être retirés se considérant comme avoir été « instrumentalisés »), pas d’enquêtes sérieuses, une mise en scène qui joue sur le pathos et qui fait monter l’adrénaline avec des fonds sonores choisis, par exemple.

Avec « Hold-up », il s’agit d’une véritable entreprise paranoïaque qui a pour seul but de prendre le contrôle de la personne qui la regarde, sans lui laisser la moindre possibilité de la réflexion et de la critique, et qui, au final, procède par une manipulation produisant la terreur. Ce qui semble son but.

Nous sommes bien en présence d’une technique parfaitement mise au point par les sectes ou des groupements intégristes qui, ainsi, harponnent les personnes fragilisées, incrédules ou peu cultivées.

La deuxième vidéo est le documentaire belge « Ceci n’est pas un complot », qui veut démontrer que la couverture médiatique de la pandémie au COVID-19 est au service du gouvernement et des industries pharmaceutiques. Une sorte de « fabrique du consentement » mise en scène par les journalistes et reporters.

Avec cette vidéo, on assiste au même type de manipulation du public : son concepteur, Bernard Crutzen, réalisateur et scénariste, se présente comme un citoyen qui « ne se laisse pas influencer par les discours de l’élite », puis qui assemble des bouts de phrases et des interventions ciblées qui actionnent quasiment uniquement la peur et la colère.

Ce qui fit réagir plusieurs intervenants se considérant, comme dans « Hold-up » pour d’autres personnes expertes, d’avoir été piégés.

Deux déclarations, la première de l’anthropologue Jacinthe Mazzocchetti de l’Université catholique de Louvain[1] : « Si j’avais été informée du sujet véritable du film et/ou si j’avais eu l’occasion de le voir avant sa sortie, j’aurais refusé d’y apparaître (…) car la manière où cela est conçu ne peut qu’alimenter les groupes complotistes, aider à basculer ceux et celles, qui sur le fil, se posent de bonnes questions, mais risquent de trouver réponse du côté de groupes complotistes et/ou extrémistes. Ce film participe à cliver davantage et à alimenter non pas le doute et une pensée critique salutaire, mais la défiance généralisée. »

Autre mise au point, celle de l’épidémiologiste de l’Université libre de Bruxelles[2], Marius Gilbert : « Il m’apparaît nécessaire de préciser que mes interventions dans le documentaire de ‘‘Ceci n’est pas un complot’’ ne signifient en rien que j’accrédite les thèses qui y sont défendues. Mr Bernard Crutzen, a conservé les éléments qui alimentent sa thèse, c’est son choix et sa liberté. Mais c’est la mienne de prendre mes distances avec l’usage qui est fait de ma parole, tant cet usage est à l’opposé de la démarche constructive que j’essaie d’entretenir jour après jour. »

Pour information, il est à signaler que ces deux vidéos, techniquement professionnelles sur le plan de la réalisation, sont le fruit d’un financement participatif dénommé « crowdfunding », ce qui a rapporté des sommes considérables à leurs concepteurs et qu’elles ont déjà été vues par des millions de personnes, puisqu’elles sont devenues virales.

Troisième vidéo, également virale, « La fin des temps » qui, elle, émane d’un groupement chrétien intégriste et qui, par les mêmes moyens techniques de manipulation, s’attaque à la franc-maçonnerie dont les membres les plus hauts placés dans la hiérarchie tireraient les ficelles pour gérer la planète et faire des citoyens des êtres soumis. Le fameux complot maçonnique.

Particularité, si j’ose dire, c’est que, en tant que franc-maçon, sous la présentation alléchante « d’incroyable révélation » formulée par le commentateur,  je suis ciblé dans cette vidéo avec ma photo à l’appui lorsque je suis orateur à l’occasion d’une conférence publique traitant de « Liberté Chérie », la loge maçonnique clandestine en camp de concentration nazi, rappelant les heures sombres sous Hitler, Mussolini, Franco et leurs sbires, et que la franc-maçonnerie est une philosophie non dogmatique prônant la fraternité, l’égalité, la justice, la solidarité pour tous. J’y suis catalogué de « sataniste, d’allié du diable, de faux apôtre, d’ouvrier trompeur, de Malin déguisé en ange de Lumière », j’en passe et pas des moindres.

Cette vidéo fut déjà vue à 941 000 reprises et compte quelque 6 300 like mais, aussi, un nombre impressionnant de commentaires, d’insultes, de menaces, dont celles appelant à l’élimination pure et simple de gens de mon espèce.

En conclusion, « Hold-up », « Ceci n’est pas un complot » et « La Fin des temps », ces vidéos prétendues documentaires, sont au complotisme ce que le film de propagande antimaçonnique « Forces occultes » fut au nazisme.

Êtes-vous parmi ces gens qui sont tombés dans le piège de cette désinformation et de cette manipulation orchestrées, voire de propagande nauséabonde qui, en d’autres temps, firent des millions de victimes démocrates ? Allez-vous aussi diffuser la présente chronique comme antidote à ces poisons qui se répandent sur les réseaux sociaux et dans les esprits ? Ceci vous laisse-t-il indifférents, soit le fameux silence des pantoufles ?

À vous de juger en conscience.

 


[1] Source : Le Soir, 10 février 2021.

[2] Source : Twitter de Marius Gilbert.